"Un jour, un homme prit de la glaise, et modela une forme de récipient. Par mégarde, il la laissa tomber dans le foyer. Il la retrouva cuite le lendemain dans les cendres. La poterie était née."
Jean Girel, "La sagesse du potier". Edition l'oeil neuf. Sagesse d'un métier:
"Je n'ai jamais trouvé de l'argile brute prête à cuire Il y a toujours des cailloux à enlever, des grains qui éclatent à la cuisson ou des bouts de bois, donc des éléments en trop. Il manque toujours aussi quelque chose, ce qui fait que la terre colle aux doigts, ou ne se tient pas toute seule, fend au séchage, ou éclate à la cuisson. Il faut ajouter des sables, ou de l'argile déjà cuite liée, parfois une autre argile. [...]
Quand la pâte est prête,on peut essayer de modeler une forme de bol, en évidant une boule, en pinçant la terre entre ses doigts.
Neuf fois sur dix, la forme s'ouvre pour devenir une galette impossible.
Au colombin, c'est encore pire, l'argile fait le contraire de ce qu'on lui demande et les soudures fendent au séchage.
Pour réussir une forme, même la plus simple, il faut en avoir raté beaucoup."
Cet auteur, Jean Girel, est formidable car il sait, malgré sa renommée (en tant que céramiste potier, exposé au musée de Sèvres, il a été nommé Maître d'Art en 2000 par le ministère de la culture) parler simplement et surtout humblement de la terre, de la difficulté à la travailler.
Il a commencé à apprendre à 14 ans, puis s'est dirigé vers la peinture avant de reprendre la terre. Il dit qu'il apprend encore.
C'est pour ça que quelque part ça me semble tout à fait bizarre d'abandonner la poterie après une année de pratique.
On ne peut pas juger de ses capacités au bout de si peu de temps.
On ne peut pas avoir exploré toutes les techniques, tous les plaisirs, tout ce que la terre-céramique peut nous offrir au bout de si peu de temps.
On ne peut pas avoir pris confiance en soi, ou tout compris au bout de si peu de temps.
Mais on est à l'ère du tout tout de suite, à l'ère du fast-food, que ce soit en amour, carrière professionnelle, ou en art.
Alors on voit des touche à tout (au demeurant fort sympathiques) papillonner pleins d'enthousiasme... et repartir.
Ils ont compris que c'était difficile, mais ils n'ont pas compris comme cette matière pouvait leur apprendre sur eux-même. Ils n'ont pas eu le temps de comprendre qu'un art de la terre, aussi complexe et magique perdure malgré les siècles, malgré les progrès techniques, malgré l'invention d'autres matières, parce qu'il forge les personnalités, quelles qu'elles soient au départ, il agit comme un psy, comme un tuteur, comme un soleil, comme un appel à la vie (dans le sens primitif?)...
sur quiconque se donne le mal de... persévérer.