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8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 08:17

Bagatellejuin-001.jpgJe me suis amusée à broder autour de l'idée de  Jill-Bill (voir son blog ici:lien ), j'espère que mon texte vous plaira ?

Toute ressemblance avec des personnages existants est purement fortuite !

~~~~~~~~

«Zut, j'ai oublié de prendre rendez-vous ! »

Je lève la tête, interloquée.

« Où ça ?

- Chez Labro.

 - Ah, pourquoi ? Ai-je demandé prudemment, ne voulant me montrer ni inquiète, ni indiscrète, ni indifférente.

 - Les soldes commencent mercredi.

 - Elles ont commencé lundi dernier en Belgique.»

 Je cherche un moment la relation entre les soldes et le docteur Labro, mais voyant ma mine hagarde, ma fille me répond sur un ton exaspéré:

 « Ben oui, il me faut des bas de contention.

 - Ah, c'est vrai, dis-je d'un air entendu.»

Je casse mes œufs et mélange mon appareil à quiche.

« Tu peux en demander à la pharmacie et ils te les avanceront sur ta prochaine ordonnance. Tu aurais pu t'y prendre plus tôt, non ?»

 Je trouve exagéré de demander des bas de contention pour les soldes, je n'en portais pas étant serveuse, mais bon...

 

Mardi matin.

Pauline passe une heure dans la salle de bains, comme tous les matins. Nous nous demandons toujours ce qui lui prend tant de temps. Nos enfants sont les plus beaux du monde, c'est bien connu, alors pourquoi se pomponner ainsi ?

Elle dévale tout à coup l'escalier, attrape un morceau de quiche emballé, une bouteille d'eau, fourre le tout dans sa besace bien remplie et, lançant un « à ce soir » à la cantonade, file attraper son train.

 

 

Mardi soir.

Marc est énervé, un dossier qui n'avance pas au bureau, la pression des délais à tenir, la crainte d'être moins performant que ses coéquipiers et d'être mal noté, voire renvoyé.

Il gare la voiture et rentre chez lui.

Léa l'accueille comme … oh comme il y a bien longtemps, quand ils étaient jeunes mariés. Dîner soigné, tenue sexy, le grand jeu.

A la fin du repas:

« Dis, ça ne t'ennuie pas de me laisser la carte bleue demain ?

 - Tu as perdu la tienne ?

 - Non, mais le compte courant ne va pas suffire.

 - Hein, mais que vas tu encore acheter ?

 - Ça ne te coûtera rien.

 Marc la regarde, amusé.

 - Si c'est gratuit, pourquoi veux-tu la carte ?

 - J'ai fait mes repérages, d'ailleurs ça m'a épuisée.

Il lève les yeux au plafond -tiens, il faudrait le repeindre- sa femme a perdu la notion du mot « épuisant » depuis qu'elle ne travaille plus.

Il tend la carte en faisant semblant d'écouter les merveilleuses économies qu'ils vont faire -à acheter des vêtements inutiles et des draps encombrants- dont sa femme lui parle sur un rythme de mitraillette. Il sait très bien qu'elle lui achètera une minable cravate et remplira leur armoire de toutes ces robes dont le prix est inversement proportionnel à leur solidité. Ce qui le sidère le plus, ce sont ces couleurs qui changent d'une année à l'autre et passent du statut de « indispensable » à celui de « cauchemardesquementringarde ».

 

L'an passé, Léa avait méprisé les "foldingues" qui se précipitent dès le premier jour des soldes et avait doctement expliqué à son mari qu'elle irait à la démarque de 70%, la deuxième ou troisième semaine. Cette année, elle changeait de tactique, disant qu'on ne trouvait que des horreurs dès le troisième jour.

 

Mardi.

Pauline, tout sourire, ravissante dans sa robe moulante, la coiffure aussi impeccable que si elle sortait de chez le coiffeur, fait le tour de ses collègues pour les saluer. Elle file au vestiaire et change ses superbes bottes à talons pour des escarpins violets plats. Elle commence à étiqueter les boites. Cela fait presque une semaine qu'elle travaille ici. C'est tout à fait différent dans ce magasin là. Il y a plusieurs réserves, les boites ne sont pas rangées par ordre alphabétiques selon le nom du modèle, mais selon le code chiffré. Les piles sont partout, dans les couloirs, les pièces, sur l'escalier, piles si hautes qu'il faut un escabeau. Mais dans le couloir, impossible de déplier l'escabeau, pas de place. Les soldes commencent demain, Pauline a presque fini d'étiqueter. Plusieurs fois elle a manqué faire tomber toute une pile en prenant une boite. Elle doit déplacer des colonnes pour atteindre une autre dans les angles des étagères. 

La gérante vient de lui dire qu'ils attendent une nouvelle livraison. Mais où vont-ils mettre tout ça ?

Ce sont des chaussures de la nouvelle collection. Les clientes, si contentes de faire des affaires en or avec la collection d'hiver, vont acheter à prix fort une paire de chaussures d'été...

 

 

Mercredi

Léa enfile de jolis sous-vêtements, elle se souvient de la honte qu'elle a eue aux derniers soldes, elle portait un soutien-gorge grisâtre et avait essayé une robe sans bretelles. Pas de miroir dans la cabine, le regard des clientes l'a tuée. Collants, chaussures qui vont aussi bien avec une robe qu'un pantalon, veste dernier cri, la voilà dans son auto chic.

Parking souterrain.

Grands magasins.

Jouer des coudes pour attraper les modèles repérés et déjà essayés.

Peu de queue aux caisses, il n'est que 10 heures dix.

 

Mercredi.

10 heures. Écouteur sur les oreilles, Pauline attend,l'air détendue, dans le magasin impeccablement rangé. Pourtant elle a failli ne jamais arriver. Son train de banlieue a été annulé sans explications, puis le R.E.R. était bondé, elle a du forcer pour entrer. Et un c... de groupe de touristes a bloqué les tripodes à la sortie aux Halles. Charmes de la vie parisienne...

 

11 heures, on ne peut absolument plus circuler dans les rayons, Pauline est en réserve, elle et son collègue fournissent sans cesse les modèles demandés via leurs écouteurs par les vendeurs du magasins. Heureusement ils s'entendent bien, la responsable du magasin a su souder son équipe. 

 

Mercredi.

Deuxième magasin. Dans celui-là, Léa n'a pas eu le temps d'essayer les modèles avant.

Déjà la queue, la bousculade, elle s'énerve contre une vendeuse.

« Seulement trois articles en cabine, Madame, s'il vous plaît »

Depuis l'ouverture, c'est la centième fois qu'elle répète la consigne, pourtant placardé en gros.

Léa est la reine du monde, son régime a payé, elle rentre dans la taille tant convoitée.

Cinq gros sacs en main, Léa s'installe au café pour attendre ses copines.

Deux heures plus tard, après un bon repas, elles se ruent dans les rayons en rigolant comme des collégiennes.

 

20h30.

Marc rentre chez lui. Les lumières sont allumées, mais il n'y a personne.

Il troque son costume contre une tenue décontractée.

Il entame un saucisson, feuillette le courrier.

21 heures, Léa rentre, le cheveu en bataille, claque la porte, balance ses chaussures à travers le salon et dit:

« Tu es déjà là ? Oh, dis moi, toi qui es chaussé, peux-tu aller me chercher les sacs qui restent dans ma voiture ? Je suis morte.

Marc soupire. Préfère y aller que d'argumenter.

Léa est heureuse de lui montrer toutes les « merveilles » qu'elle a achetées. Deux fois il a tenté de lui dire que cette jupe ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle qu'elle avait déjà ou que ce pull lui était étrangement familier, mais …

Inutile de demander s'ils vont manger ce soir, elle l'embrasse, lui dit qu'elle n'a pas faim et va s'enfoncer moelleusement dans son bain moussant.

 

Mercredi.

15 heures, pause déjeuner.

Faire la queue au Mac Do. Oublié sandwich dans train.

Boire.

Mal aux pieds.

Trop de bruit, trop de monde, s'allonger... non, retourner bosser.

 

17 heures.

Une vendeuse a tourné de l'œil. Pauline la remplace dans le magasin.

C'est un vrai champ de bataille. Boites éventrées, paires dépareillées, bourrage en papier des chaussures et des sacs jonchent les allées, personne n'a le temps de les ranger.

 

20h30.

Affalée sur le divan devant la télé, les pieds dans une bassine d'eau salée tiède, Pauline boit des litres et des litres de jus d'orange, en pianotant distraitement sur son ordinateur portable.

« Vivement dimanche !

- Parce qu'il y aura moins de monde ? Ai-je demandé à ma fille.

- Non, parce que je suis payée le double. »

malauxpieds.jpg

 

Jeudi

5 heures du matin.

Lumière Céleste remonte l'édredon sur le cou de Fils Espéré et chausse ses baskets avachis. Elle prend le premier bus bondé qui la conduit à l'usine.

Comme tous les jours elle coudra les pièces de vêtements voués à l'exportation, loin de se douter des prix exorbitants qu'ils sont vendus (même en solde) en Europe. Elle aurait bien besoin d'un manteau.

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commentaires

K
<br /> <br /> Je ne fais plus les soldes.<br /> <br /> <br /> Les gens sont pratiquement à se battre.<br /> <br /> <br /> Et les pauvres vendeuses !<br /> <br /> <br /> C'est nul les soldes<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Ma fille est contente, elle a pu être employée durant les soldes, mais elle aussi elle déteste les soldes.<br /> <br /> <br /> <br />
É
<br /> <br /> Ton texte est superbe, Aude ! Bien écrit, passionnant, intrigant même. Les soldes vus de tous les côtés... Bisous et bravo !<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci ! J'ai fait plein de métiers dont ceux de vendeuse (Tati à Barbès) et serveuse et je me souviendrai toute ma vie de la douleur des pieds le premier jour de ma vie de serveuse. <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> En fait, j'achète les choses quand j'en ai besoin ou quand j'en ai envie... le côté "je vais voir si je trouve un truc pas cher", pas pour moi. Bien sûr, si, en décembre, j'ai besoin d'un truc<br /> qui peut attendre janvier, alors j'attends. Mais j'attends tellement bien pour ne pas être dans la cohue, que généralement, quand j'arrive, y a plus rien !!! Ca me fait penser qu'il faut que je<br /> me dépêche car ma fille a besoin d'un pantalon ! <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> bien dit Aude . j'achète quand j'ai besoin , les soldes , je m'en fous . En plus les gens ont un comportement épouvantable et tu crois vraiment qu'à ce moment là , il passe à la pauvre chinoise<br /> ou autre qui trime comme une esclave , franchement j'en doute . bisous <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Moi, ce qui me révolte, c'est les gens qui foutent tout par terre et méprisent les vendeurs.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> J'ai vu chez Nath que tu avais fait un sujet sur les soldes, et, comme demain, nous sommes en plein dedans, je suis venue voir..Très bien raconté.....C'est tout à fait ça...<br /> <br /> <br /> Nous, demain, nous n'aurons pas grand-chose à solder, because la liquidation..De toute façon, les clients je sais ce qu'ils voudront tous : des parkas, des cuirs, des pulls...ce que nous n'avons<br /> plus.....Ne nous restent que des costumes....Chez nous, pas de "nanars".....<br /> <br /> <br /> Se méfier des soldes à "70 %"..On a beau le répèter, les clients en veulent encore... du "70%" veut dire "second choix, marchandise entrée exprès", marchandise de mauvaise qualité...Privilégier<br /> pour les soldes les magasins indépendants..Eux, n'ont que leur marchandise de l'année à solder..Comme les clients attendent tous les soldes pour acheter les belles pièces, et bien, les<br /> commerçants sont pris à la gorge, sont obligés de faire rentrer de l'argent.....<br /> <br /> <br /> C'est la faute à  nous tous, si ce sont les ouvriers chinois qui trinquent...C'est nous tous qui l'avons cherché à vouloir toujours du moins cher, privilégiant la quantité à la<br /> qualité....Tout le "sportwear" vient de Chine, pire, il y a maintenant, le Pakistan..Bon, je ferai bien de réserver mes coups de gueule pour mon blog....<br /> <br /> <br /> ps : pour une jolie cravate, faut venir chez nous..Nous avons les + belles cravates italiennes du marché.....Nous les soldons aussi......<br /> <br /> <br /> Mais, je ne crache pas dans la soupe..Sans les soldes, nos banquiers nous couperaient les vivres......L'année dernière, à cause de la neige, nous avons eu une baisse de 25 %, mois le + gros de<br /> l'année.....C'est dire de la baisse.....Comme je le disais + haut, les clients attendent les soldes pour s'acheter des manteaux..Nous les avons tous vendus en quelques jours au début de notre<br /> liquidation....<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> "C'est la faute à  nous tous, si ce sont les ouvriers chinois qui trinquent...C'est nous tous qui l'avons<br /> cherché à vouloir toujours du moins cher, privilégiant la quantité à la qualité..."<br /> <br /> <br /> je suis d'accord avec ta phrase que je cite.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> J'ai horreur de faire les soldes.... et en plus, du coup, j'ai bonne conscience <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Tu aimes te faire arnaquer par les marques qui vendent trois fois le prix qu'elles achètent? je ne sais pas si c'est trois fois en fait...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Tu as failli foutre la baignoire en l'air ...ah non Aude Terrienne, fais attention quand même !!! J'y tiens moi à<br /> mon bain de chocolat <br /> <br /> <br /> Sinon pour les soldes...je crois que je vais avoir besoin de plusieurs petites choses, mais soldes ou pas, je ne me permets pas d'être désagréable avec les vendeuses.<br /> <br /> <br /> Bisouillis<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> ouf, merci pour ma fille entre autres !<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Hello Aude, côté pile et côté face, moi j'adore... Vendeuse cliente joli parallèle... Je valide ton lien....  Suis un peu en retard mais hier devine....  Ben si les soldes... Je<br /> t'embrasse avec mille mercis pour ton joli jeu d'écriture....  JB <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> tu as du courage, je ne sais pas si je vais y aller. M'enfin vu que mes jeans tombent en ruine... si je veux pas qu'on me voit le fesses...<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Mon Dieu comme la chute est brutale, comme un réveil après une mauvaises nuit (agitée). Mais le cauchemar pourrait bien s'averer réalité. Les cendrillons pourraient bien se retrouver "lumières<br /> célestes" vacillantes sous le froid de l'oppression chinoise, dans quelques années dans notre beau pays (au train où nous allons).<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> A nous de savoir maintenir le cap. <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> L'endroit et l'envers .... belle narration avec une belle fin inattendue.Bonne soirée Aude<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci Andrée, c'est très gentil. Un peu long mon texte, mais je ne sais pas faire court  je suis comme une<br /> boulimique, dès que je commence avec les mots, je ne sais pas m'arrêter...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> ouh la chute!<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Hé oui, les français maudissent les chinois d'avoir pris leurs emplois, mais ils ne voient pas les conditions des ouvriers chinois. Bon dimanche.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> <br /> c'est drôle de voir les deux côtés des soldes , bravo pour cette histoire<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci Fanfan, j'ai envie qu'on ménage plus les vendeuses, l'ayant été moi-même. Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> Beaucoup de plaisir à te lire. J'aime beaucoup ton écriture. Bon week-end.<br /> <br /> <br /> Martine : http://www.cergyrama.com<br /> <br /> <br /> Eglantine : http://quaidesrimes.over-blog.com<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Moi, c'est quai des rimes que je suis assidûment. Merci pour ton compliment, je ne fais pas toujours dans le drôle donc ça ne plaît pas forcément.<br /> <br /> <br /> <br />
2
<br /> <br /> Que 2011<br /> <br /> <br /> soit pour toi et les tiens une année pleine de passion....<br /> <br /> <br /> LORENT<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci les crayons.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> j'ai beaucoup aimé la tranche de vie que tu nous as offerte de ces 2 dames pauline et Léa ! as tu résisté à ta baignoire de chocolat?<br /> <br /> <br /> grosses bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> La baignoire avance si doucement que j'ai failli la foutre en l'air jeudi dernier !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Moi aussi je suis en solde, mais il va fallor que je baisse encore les prix sans ça l'an prochain je serai encore en rayon (de lumière céleste)<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br />  j'espère bien que tu seras encore là à nous faire rigoler tout en nous instruisant sinon la terre va s'arrêter<br /> de tourner, ça c'est sûr. bisous<br /> <br /> <br /> <br />

createrres

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